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Synthèse du procès contre les présuméEs
membres des RZ
Le procès des personnes accusées d'avoir appartenu
aux RZ et commis des attentats repose essentiellement sur les déclarations
d'un repenti, l'un des enjeux de la défense consiste à
démontrer non seulement qu'il ment mais aussi qu'il ne s'est
pas contenté de balancer des gens pour sauver sa peau mais
qu'il avait bien auparavant décidé de vendre des infos
aux flics pour résoudre ses problèmes de thunes. C'est
pourquoi la première partie concernant le repenti en question,
Tarek Mousli, se trouve jusqu'à présent au centre
des débats au tribunal et est à prendre au conditionnel.
Si l'on veut reconstituer la chronologie des événements
qui mènent à ce procès, tout commence officiellement
le 4 juillet 1987 par le vol à Salzhemmendorf de plus de
100 kg de l'explosif industriel Galomon 40. La plus grande partie
de ces explosifs n'a toujours pas été retrouvée
jusqu'à présent, mais dans la nuit du 27 au 28 mars
1995 une partie de ces explosifs, soient 24 bâtons, aurait
été volée, selon les dires d'un des voleurs
en personne (sic), dans la cave de Tarek Mousli, un membre du milieu
autonome berlinois depuis longtemps. Par ailleurs, le voleur en
question aurait également pris soin de remettre un ou des
exemplaires de ces explosifs à la police berlinoise.
Le BKA 1 affirme n'avoir eu connaissance de cette réapparition
"magique" que deux ans plus tard, en novembre 1997. Pourtant
le lien avait été fait avec le type d'explosifs fréquemment
utilisés par les RZ.
Le 11 mars 1998, le Procureur de la République lance une
instruction pour ce vol datant de trois ans auparavant. Le lendemain,
la cave de Tarek Mousli est perquisitionnée et on y trouve,
bien entendu, des traces d'un dépôt d'explosifs.
Le 13 octobre 1998, une enquête est ouverte contre Mousli
pour soutien à une association terroriste ; son téléphone
est mis sur écoute pendant sept mois et le 14 avril 1999
c'est son domicile qui est perquisitionné. Lui-même
est arrêté puis relâché après son
interrogatoire, pour être à nouveau arrêté
un mois plus tard. Le 16 juin 1999, Mousli déclare avoir
entreposé des explosifs dans sa cave et il est libéré
le 7 juillet, juste après avoir réitéré
ses déclarations face au juge.
Le 24 août 1999 : sur les indications de Mousli, la police
découvre dans une fosse à eau le reste des explosifs
de la cave. Ayant découvert le vol, il aurait décidé
de les y cacher. Mais il n'en reste à présent plus
de trace car la police affirme les avoir fait exploser.
Toujours est-il que le 23 novembre 1999, Tarek Mousli est remis
en garde à vue, mais pour de nouveaux motifs : il est accusé
d'être le meneur d'une association terroriste, d'appartenir
aux RZ, d'avoir entreposé des explosifs et participé
à l'attentat contre la ZSA (centre d'aide sociale pour demandeurs
d'asile) du 6 février 1987 ainsi qu'aux attaques (prescrites)
contre Hollenberg en octobre 1986 (il était alors directeur
du service des étrangers à Berlin) et contre Korbmacher
(président de la cour du tribunal administratif) en septembre
1987. C'est alors que Mousli aurait demandé un entretien
avec un représentant du BAW pour parler de l'application
de la loi sur les repentis avant d'être présenté
à un juge d'instruction.
Le 14 décembre 1999, sur la base des dépositions
de Tarek Mousli, des mandats d'arrêt sont lancés contre
Axel Haug, Harald Glöde et Rudolf Schindler. Ce dernier se
trouve à ce moment-là déjà en détention
préventive à Francfort sur le Main, le repenti Hans-Joachim
Klein l'accusant d'avoir été impliqué dans
l'attaque de la conférence de l'OPEP à Vienne en 1975.
Le 19 décembre 1999, le BAW, le BKA et le polizeiliche
Staatsschutz déclenchent à Berlin une opération
policière de grande envergure : des centaines de policiers
lourdement armés assistés des unités spéciales
anti-terroristes (CSG 9) investissent le centre alternatif de Mehringhof
2. En tout, plus de 1000 fonctionnaires perquisitionnent le lieu
durant plus de 24 heures à la recherche d'une supposée
cache d'armes et d'explosifs, dont ils ne trouvent d'ailleurs aucune
trace. En revanche, cela provoque plus de 100 000 DM de dégâts
au Mehringhof et l'arrestation puis l'expulsion de deux sans-papiers
qui participaient à une fête latino dans une salle
du lieu. Le même jour, Axel Haug et Harald Glöde sont
arrêtés à Berlin et Sabine Eckle à Francfort
sur le Main. Le lendemain, trois mandats d'incarcération
sont délivrés à leur encontre : ils/elle sont
accuséEs d'appartenance aux RZ ( Axel entre 1985 et 1995,
Harald de 1989 à 1995 et Sabine de 1985 à 1990) ainsi
que de possession illégale d'explosifs ; ces mandats seront
par la suite élargis à la participation aux attentats
contre la ZSA en 1987 et contre la Siegessäule en janvier 1991.
Axel Haug est en outre soupçonné d'avoir caché
au Mehringhof un dépôt d'armes et d'explosifs et il
aurait, selon le BAW, fait partie avec Harald Glöde d'une "commission
de coordination" chargée de distribuer des fonds à
des groupes légaux et illégaux.
Le 18 avril 2000, c'est au tour de Matthias Borgmann d'être
arrêté à Berlin alors qu'en même temps
on perquisitionne son appartement et son bureau à la faculté
technique. Le lendemain, la justice confirme le mandat d'arrêt,
les chefs d'inculpation sont les mêmes que ceux reprochés
aux autres (il est sensé avoir appartenu aux RZ de 1985 à
1995).
Le 18 mai 2000, à Yelloknife au Canada, Lothar Ebke est
arrêté par la police canadienne en présence
d'un fonctionnaire du BKA et sa maison est perquisitionnée.
Son arrestation est à mettre sur le compte d'une disposition
du BKA et ce qui lui est reproché correspond aux accusations
portées contre les autres inculpés.
Le 30 mai 2000, a lieu une deuxième perquisition du Mehringhof.
Grâce à une installation vidéo, Tarek Mousli
guide les fonctionnaires du BKA à travers le centre mais
cette fois encore ils ne trouvent ni les explosifs ni les produits
chimiques espérés. Comme on l'apprendra plus tard,
Tarek Mousli ne se trouve déjà plus en prison car
il a obtenu une dispense de peine.
Le 18 juin 2000, au Canada Lothar Ebke est relâché
contre une caution de 100 000 dollars canadiens.
Le 4 août 2000, la justice refuse les demandes de remise
en liberté de Sabine, Axel, Harald et Matthias.
Le 6 décembre 2000, s'ouvre le procès contre Tarek
Mousli devant la deuxième chambre correctionnelle de Berlin.
Mousli fait des aveux complets sur son appartenance aux RZ et charge
à nouveau Sabine, Matthias, Harald, Axel et Rudolf (toujours
en préventive). Le juge et le Procureur Général
s'étaient déjà mis d'accord et avaient déjà
annoncé une peine de sursis si Mousli se montrait vraiment
coopératif, c'est donc sans surprise que le 18 décembre
2000, après seulement quatre jours de débats, Mousli
est condamné à deux ans avec sursis pour appartenance
aux RZ et participation à un attentat à l'explosif.
Il quitte le tribunal en homme "libre", désormais
sous la protection du BKA et pouvant profiter des avantages réservés
aux repentis (entre autres une pension de 2400 DM par mois, loyer,
téléphone et voiture de location payés).
Le 22 mars 2001 débute le procès contre Axel, Harald,
Sabine et Matthias à Berlin, dans la section spéciale
du tribunal criminel de Moabit. Il est mis en scène dans
la pure tradition des procès anti- "terroriste"
des années 70 : de nombreuses personnes se voient refuser
l'entrée de la salle, celles et ceux qui peuvent assister
à l'audience subissent une fouille systématique et
doivent remettre leurs papiers d'identité qui sont photocopiés,
une délégation d'observateurs internationaux ne peut
conserver son matériel pour prendre des notes, le repenti
Tarek Mousli porte un gilet pare-balle et est protégé
par des gardes armés... Sinon les débats ne durent
que deux heures : les accuséEs déclinent leur identité
et les avocatEs déposent des nullités de procédures
et demandent l'interruption des débats pour se procurer les
dossiers nécessaires à la défense. L'état
de santé de Sabine est également examiné :
la détention a aggravé les crises de migraines et
de vomissements dont elle souffre, et elle a perdu beaucoup de poids
(elle ne pèse plus que 43 kg). La doctoresse de la prison
confirme que les conditions de détention ne lui assurent
pas un suivi médical suffisant (par exemple lors de sa dernière
crise elle a dû attendre trois heures des médicaments
dont elle a besoin).
Le 5 avril 2001, au troisième jour, c'est une révision
complète du procès qui est évoquée.
En effet, il est question de coupler la procédure en cours
avec le dossier de Rudolf Schindler, lui aussi mis en cause par
Mousli, décidément fort prolixe.
Le 12 avril 2001, le tribunal fait part de sa décision :
Rudolf Schindler, qui vient à peine d'être relaxé
dans le procès de l'OPEP (au cours duquel Mousli a également
témoigné à charge), est associé à
la procédure et donc également emprisonné.
Afin de pouvoir associer tous les dossiers, le procès est
ajourné jusqu'à la mi- mai.
Pour les accuséEs qui se trouvent en préventive
depuis plus de onze, voire de quinze mois, cela signifie au moins
cinq mois supplémentaires d'emprisonnement sans que l'affaire
n'avance d'un pouce. La remise en liberté provisoire est
refusée.
Le 17 mai 2001 a donc lieu le premier jour du nouveau procès
: les cinq personnes sont accusées d'avoir été
membres de l'organisation terroriste des RZ depuis 1985 et jusque
dans les années 90, avec le privilège en plus pour
Rudolf Schindler d'en avoir été l'instigateur. Tous/toutes
sont également inculpéEs de participation à
l'attentat contre le ZSA en 1986 et Axel Haug, Matthias Borgmann
et Harald Glöde doivent répondre de l'attentat contre
la Siegessäule en 1991. Pour ce qui est des chefs d'inculpation,
rappelons que l'on reproche à tous/tes les accuséEs
les attaques contre Hollenberg en octobre 1986 et Korbmacher en
septembre 1987. Certes, il y a prescription pour ces faits, mais
selon le Parquet ils "montreraient la dangerosité de
l'association RZ" (communiqué de presse du 19 décembre
1999). En revanche, les attentats à l'explosif ne sont prescrits
qu'après une durée de 20 ans.
Au cours du procès, les débats tournent pour l'instant
beaucoup autour des déclarations de Tarek Mousli et les comptes
rendus mettent en évidence de nombreuses incohérences
et contradictions, même avec certains éléments
d'enquête, ainsi que de gros trous de mémoire. Par
ailleurs, une autre stratégie des avocatEs consiste apparemment
à tenter l'ajournement et par conséquent à
obtenir des libérations conditionnelles. Elles ont par exemple
utilisé l'argument de dissimulation de pièces à
conviction (en l'occurrence les cassettes des écoutes téléphoniques
des RG !). Cela a provoqué le courroux du procureur général
qui a littéralement déclaré "la guerre"
à la défense mais n'a pas fait fléchir la juge
qui a estimé que puisqu'il fallait s'attendre à une
peine d'au moins cinq ans, une détention préventive
d'un an et demi/deux ans, n'avait rien de "démesuré".
Sinon, pour l'instant rien de spécial ne semble avoir été
dit sur les RZ, si ce n'est que le commissaire du BKA en charge
du dossier dans les années 80 est venu dire ce qu'il savait
des RZ de Berlin avant les déclarations de Mousli, apparemment
pas grand chose et que des passages du journal "Revolutionärer
Zorn" (colère révolutionnaire) des RZ, numéro
6 de janvier 1981, ont été lus.
Pour ce qui est du public, il semble qu'il y ait une présence
régulière au tribunal, ce qui donne lieu à
des comptes rendus sur internet 3 et, de temps en temps, à
des actions un peu plus offensives. Ainsi le 19 juillet 2001, environ
vingt personnes étaient venues avec des tee-shirts sur lesquels
était écrit " 19 mois sont 19 mois de trop"
pour protester contre la détention des accuséEs.
Le 7 septembre 2001 : il faut signaler la décision de la
plus haute chambre de justice des territoires nord-ouest du Canada,
de livrer Lothar Ebke, qui avait été arrêté
une première fois le 18 mai 2000, à la justice allemande.
Il a été d'abord mis en préventive, puis 15
jours après à nouveau libéré sous caution,
aux mêmes conditions que la première fois : 100 000
dollars canadiens de caution, dont 25 000 en liquide, l'obligation
de pointer une fois par jour au commissariat, et l'interdiction
de quitter la ville. Cette libération a été
rendue possible par la mobilisation massive de ses amiEs et voisinEs.
Lothar a fait appel de cette décision mais auparavant c'est
au ministère de la justice de se prononcer, et il ne le fera
certainement pas avant le printemps 2002.
Lulurev, le 23/01/02
NB : Tout d'abord disperséEs dans des prisons différentes
à Dusseldorf, Wuppertal, Francfort et Berlin, les accusés
se trouvent à présent à Moabit, à Berlin
alors que Sabine a été transférée à
la prison pour femmes de Pankow, aussi à Berlin. Ils/elle
subissent les conditions de détention prévues par
le paragraphe 129a, à savoir, en isolement, une seule heure
de promenade par jour, des visites d'une demi-heure seulement une
heure tous les quinze jours, en présence d'un membre du BKA
qui prend des notes et le contrôle systématique du
courrier par le parquet. Pour leur écrire, il vaut apparemment
mieux faire passer le courrier par le parquet général
de Karlsruhe, car les lettres envoyées directement aux prisonniers
ne leur sont pas remises mais envoyées au parquet pour contrôle,
ce qui occasionne encore plus de retards.
1. Le BKA est un mélange de police criminelle et de RG,
au niveau fédéral.
2. Sur la perquisition au Mehringhof, voir Cette Semaine
n°79, fév. 2000, pp. 28-29.
3. Pour les diverses informations, voir le site : http://www.freilassung.de/
Extrait de Cette Semaine #84, fév/mars 2002, pp.34-36
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